EA mène depuis une dizaine de mois tout un battage médiatique sur le changement que ce behemoth du jeu video a commencé à opérer il y a 4 ans. But avoué : séparer les segments cazu et hardcore, regagner la confiance des joueurs et renforcer la communication sur le label EA partners pour séduire d’autres développeurs prestigieux.
Leur objectif : convaincre les hardcore gamers que la firme n’est plus composée d’une belle brochette d’usuriers ne pensant qu’à boucler les années fiscales en enquillant le plus de bénefices possible; et que leur jeux sont dignes d’intérêt. Explications.
Points de départ
¤ 7 Avril 2004 : John Riccitiello démissionne de son poste de président et COO après 10 ans d’occupation. Lawrence Probst prend le relais sous forme d’un interim…qui durera 4 ans. Le programme EA Partners est déjà lancé (depuis 1997 d’après Riccitiello), en parallèle avec les nombreuses acquisitions qui se préparent.
¤ 17 Juin 2004 : EA signe avec Oddworld Inhabitants pour le futur Stranger’s Wrath. Ca ne va pas bien se passer, notamment vers la fin de la prod. (lire à ce sujet l’interview de Lorne Lanning par le mensuel Edge +bonus).
¤ 23 Juillet 2004 : First Blood. EA signe avec CryTek pour financer et distributer une nouvelle IP : Crysis. Le suivi de FarCry par Ubi ayant été catastrophique, les fanboys voient ça d’un (relativement) bon oeil, même si les rumeurs de rachat pur et simple vont et viennent.
¤ 28 Juillet 2004 : EA rachète Criterion après avoir édité Burnout 3.
¤ 11 Octobre 2004 : Affaire EA Spouse, sur les heures supplémentaires non payées.
¤ 18 Juillet 2005 : coup de tonnerre dans le coeur des fanboys de Valve. Ils viennent en effet de signer avec Electronic Arts pour assurer la distribution de leur jeux en magasins. Certains prédisent la fermeture de Steam ou le rachat de Valve, EA possédant un équivalent un peu pourrave. Doug Lombardi tentera de rassurer 3 ans plus tard chez Gamasutra :
EA’s support for Steam, he continued, was part of what sowed the seeds of a healthy relationship. « EA was very progressive about saying, ‘We understand who you guys are. We understand what Steam is. We don’t want Steam to go away.’ Well, they might want Steam to go away, but they’re not asking us to make Steam go away. »
¤ 6 Octobre 2005 : EA règle plus de 15 millions de dollars pour l’affaire EA Spouse
¤ 20 Juillet 2006 : EA rachète Mythic. 2 ans plus tard, à la sortie de Warhammer Online, le scandale des crédits manquants fait surface. Bien que douteuse, c’est une pratique répandue dans l’industrie. Le fait qu’elle frappe un éditeur tel qu’EA permettra peut-être de changer les choses.
¤ 23 Août 2006 : EA rachète Phenomic
¤ 2 Octobre 2006 : EA devient actionnaire majoritaire de Digital Illusions CE, les créateurs de la série BattleField, après une OPA réussie. Ils en profitent pour fermer la succursale de DICE au Canada.
Artillerie Lourde
¤ 26 février 2007 : Le président d’EA, Larry Probst, cède sa place à John Riccitiello (le retour !). Raisons invoquées : baisse de 20% de l’action depuis 2 ans et trop de concentration sur la gamme de sports. Riccitiello va tout de suite entamer la campagne de communication sur leur nouvelle stratégie, et ainsi sceller les derniers gros deals en attente.
¤ 7 Mars 2007 : EA signe avec Harmonix et MTV pour placer Rock Band 2 dans le programme EA Partners.
¤ 18 Juin 2007 : C’est donc l’annonce de la création des différents labels d’Electronic Arts : EA Sports, EA Games (les AAA classiques, qui contient EA Partners), EA Blueprint (une sorte de Fox Searchlight), EA Casual & The Sims.
EA Games est leadé par Frank Gibeau, EA Partners par David DeMartini.
¤ 11 Octobre 2007 : EA rachète VG Holding Corp et prend la possession de Bioware et de Pandemic. Acquisition complétée en Janvier 2008. Les fans de Mass Effect digèrent mal la nouvelle, d’autant plus que ça bullshite un peu en interview :
GS: Right, but you guys were always an icon of independent development, and were even more so after the deal with Pandemic…
Greg Zeschuk: Well, to be blunt, I don’t really see ourselves as not being independent anymore. We’ve got a goal of making great BioWare games, and we believe in [EA CEO] John [Riccitiello]’s vision–we can’t overemphasize that. We’ve worked with John for years, and we’re looking forward to keep doing what we’re doing and doing it well.
¤ 21 Janvier 2008 : Criterion sort Burnout Paradise. L’équipe de développement annonce à EA qu’ils préfèrent bosser sur 1 an de DLC plutôt que de bosser sur la suite. EA accepte. 2 DLC gratos sortent en Juillet et en Septembre 2008.
¤ 8 Février 2008 : DICE Summit 2008 : conférence du nouveau CEO d’EA et annonce du modèle de cité-état, qui marque le tournant de la politique d’EA. Morceaux choisis :
Excuses publiques sur le foirage des acquisitions :
« The command and conquer model, the command and direct model doesn’t work, » said Riccitiello. He went on to concede that EA’s past post-acquisition tactics backfired badly. Bullfrog, Origin, Westwood–all no longer exist today because something broke. … and I’ll simply state that EA blew it, and to a certain degree, since I was involved, I blew it. »
« If you think you want to buy a developer and put your name on the door… it’s not going to work. If you think you are going to creative direct their teams and take away their autonomy, you are making a grave mistake. »
Mise en avant des équipes de dev :
« Creative teams are flowers in a hothouse, » he said. « Move the temp up or down a few degrees and the flowers can die. What that means is that the top talent chooses to leave. » « At Elevation Partners, the biggest fear was that the talent would leave, and I can tell you from my experience at EA that fear is exactly right, » he offered.
Liberté créative :
So what was different with these two? « The creative leaders in those organizations took responsibility for themselves with regard to creativity and finance, » he explained. « EA did not meddle in the creative process there, and this is sort of subversive point, » he said. « These two companies took over EA… They used EA as a stage for a larger play for their teams than they could have done on their own. »
Le modèle Rockstar North :
Then, he surprisingly admitted that EA didn’t create the « label » at all. Its rival Take-Two Interactive did when it set up the semi-independent Rockstar Games after buying Grand Theft Auto creator DMA Design, now called Rockstar North. « What Sam and Dan Houser have done there obviously worked, » Riccitiello said, before going on to say he was « really looking forward » to Grand Theft Auto IV.
A partir d’ici, les signatures vont se succéder à un rythme effréné.
¤ 6 Novembre 2007 : Frank Gibeau annonce la fermeture d’EA Chicago. Coup dur pour le publisher qui tente de faire changer les esprits, quelques mois après l’annonce du modèle cité état. 150 développeurs se retouvent à la rue. Certains fondent Robomodo (notamment le Directeur Artistique et le Directeur Technique, plus une dizaine d’anciens), quelques autres se retrouvent à EA Black Box.
¤ 21 Février 2008 : Starbreeze rejoint le programme EA Partners, pour développer une vieille IP appartenant à EA.
¤ 25 février 2008 : EA entame sa première phase d’absorption de Take Two, sauf que ça ne se passe pas comme prévu (les niouzes de factor sont assez marrantes à lire pour comprendre l’échec de l’OPA).
¤ 31 Mars 2008 : EA encaisse des pertes monstrueuses pour son fiscal 2007. -454 Millions de dollars. Détails en page 104 du pdf, principalement dûs aux acquisitions et aux restructurations (et 1,1 milliard de dollars dépensés en R&D).
¤ 18 Juin 2008 : Riccitiello annonce avoir littéralement torturé Black Box en les obligeant à tenir des cycles de développement de 12 mois…durant 8 ans. Les employés, pressés comme des citrons, préféraient s’en aller et rejoindre les 70+ studios de dev de la région de Vancouver.
¤ 15 juillet 2008 : id Software profite de l’E3 pour annoncer son partenariat avec EA. Après Valve, c’est sûrement l’annonce qui frappera le plus. Gamasutra reviendra sur le choix d’id dans cet article :
John Carmack : « In the end, the decision came down more to secondary factors: about how we thought that the company viewed us in relation to their other projects, what the top executives would think about our products competing with other products they might have internally, how they viewed our game and what they thought we’d do for them ». And we had, surprisingly – if you had asked me five years ago if we would be considering EA, I would’ve said, probably, no. Because I carried around, really, some outdated prejudices about EA, the big evil empire of gaming, that kind of bought and crushed and squashed a lot of small, creative stuff.
id fait son mea culpa et efface la mauvaise image d’EA auprès des gamers. Ces déclarations sont décisives. Je dirais même que c’est dans la poche pour EA. Quand le papy du FPS lâche son éditeur pour aller chez vous, vous pouvez faire péter le champagne. EA peut fignoler ses derniers partenariats, le plus difficile est passé. On en oublierait presque l’OPA sur Take Two.
¤ 15 Juillet 2008 (again) : EA annonce enfin son service de tracking des stats d’utilisation de ses jeux (les autres éditeurs font ça depuis longtemps) : Nucleus
¤ 15 aout 2008 : Un mois plus tard, c’est au tour d’Epic / People Can Fly de suivre la marche :
« We called [Valve’s] Gabe [Newell] and Scott [Lynch], and [BioWare’s] Ray [Muzyka] is a good friend; I know him well, » he explained. « I said, ‘Really? EA? Are you sure? Is it just a big check they’re giving you?’ They don’t have a false bone in their body; they’re not politicians, those guys, and they were really excited. They’re people who we expect to be prima donna developers, like us. We expect to be in charge. Those guys said, ‘Yeah, they didn’t screw with us.' »
¤ 15 Aout 2008 : Grasshopper signe le même jour. Autre segment du marché (jap), mais toujours orienté hardcore.
¤ quelque part en 2008 : EA annonce son partenariat avec Arkane Studios ?
En 4 ans, EA a absorbé ou signé des publishing deals avec la plupart des meilleurs studios de développement du monde. Avec leur modèle de Cité Etat, les studios gardent leur liberté créative, ce qui réjouit tout le monde, y compris les fanboys. Si tout roule, EA devrait repasser premier éditeur du monde d’ici 2 à 3 ans, MAIS…
The catch ?
Les deux derniers deals d’EA (avec Epic et Grasshopper) ont provoqué les interrogations des analystes. Todd Greenwald, de Signal Hill, est le premier à ouvrir le feu :
« [EA Partners’ agreements] generate two things for EA: sales–so it helps the top-line–and cash. But the deals are low-margin. « EA is trying to get its margins up to 20-25 percent, and these deals negatively impact that. » He said EA is willing to take on low-margin projects because publisher needs to flesh out its product pipeline. He added, « [These agreements] make EA look more like a distributor than a developer of world-class videogame titles. … It’s indicative of the fact that they are not able to develop enough of their own titles to meet their revenue and earnings goals, that they need to fill in the gaps with these distribution deals.
Alors à votre avis, ça va se planter ou pas ? Discuss !