Une des présentations fondamentales sur les processus modernes de développement de jeu vidéo a disparu de la surface de l’internet il y a quelques années. Coup de bol, une copie trainait sur mon disque dur.
Mark Cerny - The Method - GDC 2002
Pour beaucoup, les thématiques abordées dans cette présentation paraitront comme du sens commun. Or inutile de vous cacher qu’à l’époque la réalité était toute autre :]
Dernière partie de l’interview. On conclu sur les leçons que nos deux comparses ont retenu, sur la difficulté de travailler sur des projets personnels le soir, et sur les conseils aux jeunes qui veulent tenter d’entrer dans l’industrie.
Seconde partie de l’interview. On parle de la fin du modding et de l’entrée dans l’industrie du jeu, d’expériences croisées dans différents studios et on essaie d’en tirer les leçons qui vont bien.
On revient un temps sur les lone wolves, ceux-là même qui ne comptaient sur eux-même pour faire avancer les choses et développer leurs projets en solo. Gaddy et Koko5ovar (avec un 5 comme en ’99 !), mappeurs à leurs heures, sont devenus tous les deux pros; l’un en programmation, l’autre en graphisme 3D, et ont travaillé ensemble chez feu Punchers Impact (paix à son âme). Retour sur leur parcours au sein d’une interview fleuve, autour de bonnes crêpes bretonnes et de chouchen dans un resto près de la gare Montparnasse.
On passe à une équipe qui avait fait du bruit à la calme époque qu’était la transition entre Half-Life 1 et Half-Life 2. Une équipe composée de 3 à 4 personnes qui sort sans crier gare un des mods francophone les plus aboutis: HL Invasion. Julien et Yagéro, les deux initiateurs du projet, ont accepté de répondre à mes questions…autour d’une bière ! Interview-fleuve en 3 parties. Sit back, and enjoy the tl;dr !
Il est temps de nous intéresser à tous ces acteurs qui squattaient les forums d’Half-Life Design, et sur ce qu’ils sont devenus après toutes ces années. Première personne à passer sous le feu des projecteurs, et non des moindres (on lui doit notamment des topics fleuves sur l’optimisation des maps sous Half-Life), Lichen.
Map pour Warsow
Q: Quel est l’évènement, le facteur qui a fait que tu t’es intéressé la première fois au modmaking ?
Lichen: J’ai découvert la création de cartes avec Half-Life. L’éditeur de niveau était fourni avec le jeu, et il n’y avait qu’une poignée de tutoriaux disponibles en anglais. J’étais assez curieux de découvrir comment un niveau pouvait se construire et ce qu’il était possible de réaliser.
Q: Comment as-tu rejoint la communauté HLD ? Par pur hasard ? Bouche à oreille ? Par son lien à Half-Life Fusion ?
Lichen: J’ai rejoint la communauté HLD par hasard, vraisemblablement en cherchant des tutoriaux sur Alta Vista. Peu de sites proposaient des tutoriaux en français.
Q: Releaser ses maps, comment ça s’est passé ? Gros coup de bourre sur la fin ? Ou bien tu n’en n’as aucune idée ?
Lichen: J’ai passé la majeure partie de mon temps à « bricoler » plutôt qu’à créer de véritables cartes. Je voulais avant tout comprendre comment l’outil et plus tard le moteur fonctionnaient.
J’ai travaillé de façon empirique, sur une même carte pendant plus de 6 mois, en améliorant la technique, en optimisant, en appliquant ce que j’apprenais dans les tutoriaux, à propos de la lumière, de la géométrie ou encore des entités.
Map de démo pour tutorial sur l’optim HL1
Q: Pourquoi as-tu arrêté ton implication dans la communauté ?
Lichen: J’étais avant tout attiré par l’aspect technique du level design. Quand j’ai découvert ce qu’il était possible de faire avec le moteur et les outils de Quake 3, je me suis orienté vers ce moteur.
Entre temps j’avais appris à mieux comprendre l’anglais et j’ai découvert la communauté level design de Quake3world.com.
Q: Que penses-tu de l’état de la communauté francophone aujourd’hui ?
Lichen: Il me semble difficile de me prononcer sur l’état de la communauté francophone sachant que je ne m’y intéresse plus réellement depuis plusieurs années.
Mais quand j’ai commencé à abandonner Half-Life Design (à l’époque de la migration vers Game Lab il me semble), j’avais déjà l’impression de voir une sorte de déclin, comme si l’engouement pour le level design amateur n’était plus aussi important.
Durant l’année 2005, j’ai repris contact avec d’anciens level designers amateurs qui travaillaient depuis peu chez Arkane Studios.
Ils cherchaient à recruter des level designers avec une expérience amateur dans la communauté francophone et la tâche semblait très compliquée…
Avec du recul, j’ai l’impression qu’Half-Life et Half-Life Design ont joué un rôle très important dans la formation et la révélation de level designers talentueux au sein de la communauté francophone.
Je n’ai aucune statistiques à ce sujet mais il me semble que le nombre d’anciens membres d’HLD qui ont réussi à trouver une place dans l’industrie est assez impressionnant.
Il y a peut-être désormais autant ou même davantage de level designers amateurs francophones, mais j’ai l’impression qu’ils ne sont plus « concentrés » au sein d’une même communauté.
Peut-être parce qu’à l’époque d’HLD, il n’y avait pas beaucoup d’alternatives pour faire du level design amateur, peu de sites communautaires qui traitaient de ce sujet.
Peut-être que les compétences pour créer des cartes de qualité correcte étaient moins importantes que celles nécessaires aujourd’hui.
Q: Quelles étaient les erreurs communément commises à l’époque ? Notamment dans le fait que finalement peu de projets de mods ont vu le jour ? La manque d’expérience ? Le manque de release ? L’auto-discipline ?
Lichen: Les équipes étaient généralement composées de membres assez jeunes, parfois encore adolescents (c’était mon cas). Les amateurs étaient curieux, mais n’étaient pas forcément assez matures pour mener à terme un projet. Certains projets étaient beaucoup trop ambitieux, mal organisés, mal formalisés (pas de documentation, quelques concepts sur une page web ou un forum en guise de cahier des charges), composées de membres à la disponibilité plutôt assez aléatoire, sans gestion d’équipe. Un peu comme un exposé de collège à rendre, mais sans deadline, en télétravail, avec la possibilité de bosser en buvant du coca et en flânant sur IRC en même temps.
Beaucoup d’équipes manquaient de rigueur et bien entendu d’expérience. Pour beaucoup d’amateurs, Half-Life était leur première expérience en level design.
Q: Comment étaient accueillis les nouveaux ?
Lichen: La communauté HLD était très restreinte, peut-être une trentaine de personnes actives sur les forums (et encore), les nouveaux arrivaient progressivement et avaient le temps d’être intégrés.
Q: Qu’est ce que tu retiens de cette époque ?
Lichen: Plein de bonnes choses, c’est à cette époque que j’ai commencé à rêver de pouvoir un jour travailler dans l’industrie du jeu vidéo, j’ai découvert le concept des communautés et des forums sur Internet.
C’était une période très instructive, j’ai gagné en humilité en découvrant ce que les gens plus doués que moi étaient capables de réaliser.
C’était vraiment une époque très intéressante, le nombre de jeux disposant de communautés de modmaking était plus restreint, les communautés plus concentrées, plus soudées et moins volatiles.
Optimisation sous HL1
Q: Comment êtes-vous rentrés dans l’industrie du jeu ?
Lichen: Durant mon cursus universitaire, j’avais un stage à effectuer dans une entreprise de mon choix. J’ai voulu allier l’utile à l’agréable en cherchant un stage dans une entreprise de jeux vidéo.
J’ai effectué un stage de deux mois en tant que community manager (chez Ankama ndt), durant lequel j’ai tout fait pour me rendre indispensable, je suis rapidement devenu l’intermédiaire entre les testeurs et les développeurs, en gérant les bases de données de bug tracking et en effectuant des travaux de synthèse. Cette expérience m’a appris à bien maîtriser le projet et la façon de travailler des différents intervenants. J’ai insisté pour effectuer d’autres stages, revenir travailler pendant les vacances, etc. De fil en aiguille, on m’a confié plus de responsabilités, j’ai commencé à corriger certains bugs et erreurs moi-même (tout en apprenant à manipuler les outils utilisés par l’équipe), des fautes d’orthographe jusqu’aux erreurs de saisie et de paramétrage. J’ai progressivement commencé à travailler sur des équilibrages pour le jeu et à améliorer ou proposer de nouvelles fonctionnalités. J’ai fini par obtenir un poste de game designer, puis de lead game designer après quelques années.
Dofus (c) Ankama
Q: Que penses-tu de l’industrie du jeu ? Conforme à tes attentes ? En bien, en mal ? Est-ce que ça a été une rupture totale avec ce que tu en attendais ?
Lichen: Je rêvais de pouvoir un jour travailler dans l’industrie du jeu vidéo, mais je ne m’en croyais pas capable. Je n’étais pas très doué dans mes études, et ce milieu me semblait totalement inaccessible.
J’ai eu une occasion de prouver (et de me prouver) ce dont j’étais capable, j’ai tout fait pour réussir, j’étais passionné.
Je n’ai jusqu’à présent (6 ans) travaillé que pour une seule entreprise, je ne peux donc pas facilement avoir un avis pertinent sur l’ensemble de l’industrie.
J’ai cependant l’impression que c’est un milieu très jeune, une industrie qui progresse peu (ou n’importe comment parfois), mal rodée, qui se cherche, composée de beaucoup trop de rêveurs (même s’il en faut !), qui n’a pas encore assez de seniors et de sages, une industrie qui manque d’expérience et de cas d’école. J’ai l’impression que les entreprises qui fonctionnent bien, sont solides et avancent en capitalisant sur leurs expériences, sont encore beaucoup trop rares, beaucoup plus rares que dans les autres industries. C’est une industrie qui me semble également peu ouverte aux autres domaines de compétence.
On commence seulement depuis quelques années à voir des entreprises de jeu vidéo qui s’ouvrent activement à d’autres disciplines et qui réalisent l’importance d’avoir en leur sein des spécialistes provenant d’autres industries ou domaines qui ont déjà fait leurs preuves sur le long terme (design, architecture, économie, statistiques, sociologie etc.).
L’industrie du jeu vidéo doit comprendre pour évoluer, que faire du jeu vidéo ça n’est pas juste chercher, dessiner, programmer, animer, composer ou encore écrire. Elle doit profiter de toutes les compétences pointues qui nous aident à construire et comprendre notre quotidien pour avancer elle-même.
Aujourd’hui, les entreprises qui progressent le plus (dans la façon de construire et améliorer leurs jeux) sont celles qui semblent avoir compris cela (CCP et Valve par exemple qui n’hésitent pas à aller chercher les compétences pointures dans d’autres domaines).
Q: Qu’as-tu appris en amateur qui te sert encore aujourd’hui dans ton boulot ?
Lichen: J’ai appris la difficulté qu’il y a de mener à terme un projet, la difficulté d’organiser le travail des participants autour d’une seule vision cohérente.
J’ai appris qu’il fallait laisser le temps aux gens d’apprendre, que la passion permettait de déplacer des montagnes, qu’il fallait savoir être modeste et raisonnable.
J’ai appris qu’il existait autant de façons de réussir un projet que de le faire échouer. J’ai appris qu’un projet c’est généralement une équipe, et qu’à partir de ce constat, la gestion d’équipe est primordiale dans la réussite d’un projet. Si votre équipe fonctionne mal, le projet ne pourra pas arriver à terme, même avec une équipe très qualifiée et de très bons concepts. Bref je n’ai appris que des banalités que l’on oublie d’apprendre et que l’on arrive pas forcément à faire comprendre sur les bancs des amphithéâtres. C’est à ça que servent les stages et le modmaking !
Q: Est-ce plus compliqué d’attaquer un mod aujourd’hui ?
Lichen: Bonne question ! J’ai l’impression que certains outils se sont considérablement améliorés, mais que les jeux étant devenus globalement plus complexes et plus riches, ils nécessitent peut-être plus de compétences et d’investissement.
La création de mods complets (changements au niveau du gameplay, de l’univers graphique etc.) me semble beaucoup plus difficile, car les « assets » graphiques nécessitent généralement un bon niveau de compétence pour être créées de zéro.
A l’époque d’Half-Life, on pouvait créer une texture de carrelage viable en quelques clics sous Paint Shop Pro en freeware, 15 minutes après l’avoir installé pour la première fois et tout en lisant un tutorial de 10 lignes.
Aujourd’hui pour créer des « assets » graphiques convaincantes, il faut à priori plus d’expérience et de compétences.
Le level design d’aujourd’hui nécessite également de savoir utiliser plusieurs outils dont certains sont destinés uniquement à un usage professionnel.
Sur Half-Life 1, toute la géométrie des cartes pouvait se faire sans réelles limitations ou contraintes depuis un éditeur de niveau relativement simple.
Aujourd’hui, les éditeurs de niveau servent de plus en plus à paramétrer les entités, les scripts, définir la géométrie globale et enfin composer les niveaux avec des éléments modélisés dans des outils dédiés à la modélisation 3d (3DS Max, Maya etc.). Maîtriser plusieurs outils est plus contraignant lorsque l’on est amateur et surtout c’est beaucoup plus décourageant.
Paradoxalement, les éditeurs de niveau se sont considérablement améliorés (ergonomie, compilation et test du niveau depuis l’éditeur, gestion des shaders et scripts moins barbare, etc.), et lorsque l’on accepte de réutiliser les assets graphiques fournies par le jeu, la conception de cartes peut devenir très accessible.
Q: Si tu devais donner un conseil à tous ceux qui souhaitent faire du jeu vidéo leur métier, que leur dirais-tu ?
Lichen: Créez des mods ! J’ai croisé des dizaines de personnes qui participaient à des forums amateurs de création de mods et qui sont entrées dans l’industrie grâce à cela.
Des levels designers qui ont été embauchés chez Arkane Studios, Raven ou encore Crytek. Je me souviens encore d’un level designer qui présentait ses cartes d’un projet à l’époque nommé « X-isle » sur les forums de quake3world dans le sujet « Montrez vos screens ». Quelques années plus tard, X-isle était devenu Far Cry. Je me souviens d’un level designer amateur au style très caractéristique, parti travailler chez Raven et dont j’ai reconnu le style graphique et architectural de ses propres cartes en jouant à Jedi Knight Outcast. Bioware recrute chaque année sur concours, à partir des meilleures créations d’amateurs qui utilisent les outils fournis avec les jeux Bioware.
Les projets que vous pouvez créer à partir des outils utilisés (ou connus) par vos éventuels futurs recruteurs, constituent les meilleures preuves de votre talent.
Participer à l’élaboration d’un mod c’est également une bonne occasion de tester sa motivation pour rentrer dans l’industrie du jeu vidéo.
On va parler un peu de Modaddict, tenu par Matiouu, et du public pour les mods et les jeux indépendants. En avant !
ModAddict en 2010
Q: Modaddict : quelle est la philosophie de ce PMODS bis ? Ca fonctionne bien ? Est-ce qu’on retrouve les mêmes écueils qu’à l’époque de PMODS ?
Nécro/Matiouu:ModAddict n’est que mon égoïsme à l’état pur : j’ai toujours besoin d’une activité rédactionnelle et j’adore qu’on me lise. La philosophie de départ de ModAddict était donc : je lance un site, les gens me suivent ou non et on verra. Je voulais lancer un blog, pas véritablement un site « base de données » à la PMods. Wraxe, Freumble et DukeNico, ancien de PMods, ont commencé l’aventure avec moi mais n’ont pas pu continuer suite à des obligations professionnelles.
Le site fonctionne correctement, ce n’est pas la bousculade mais on a des visites (grâce à NoFrag notamment). Le site n’est pas forcément conçu comme PMods : il s’agit de news pures sans base de données. On se sent donc moins obligés de traiter toute l’actualité pour remplir ladite base de données. ModAddict n’a pas eu trop de soucis a proprement parler puisque je n’avais fixé aucun objectif. C’est peut-être pour ça que le nombre de visites n’a pas augmenté pendant un moment.
Q: Après une période de pause, comment t’en es-tu sorti pour relancer Modaddict ?
Nécro/Matiouu: Il faut tout simplement que l’on se fixe des objectifs. Maintenant, nous sommes trois derrière le logo de la pilule ModAddict. Nous avons chacun une partie à gérer : moi aux Mods, Looping aux jeux indés PC majoritairement et Flitox aux jeux indés XBLA.
La meilleure manière de relancer ModAddict est sûrement de revoir plusieurs points :
Le thème est trop axé « blog », il va falloir transformer l’interface en quelque chose de beaucoup plus accessible et ergonomique (et personnalisé)
Pas assez de dossiers : il faudrait que l’on prenne le temps de traiter des dossiers de fond
Communauté inexistante : il va falloir organiser des parties en ligne pour fédérer la future communauté, utiliser le forum pour rassembler les lecteurs, envoyer des newsletters et même organiser des rassemblements IRL
Pas de pub … pourtant j’ai un blog NoFrag, je pourrais m’en servir…
ModAddict est revenu sur ses pattes après quelques mois d’inactivité. Nous sommes plus que motivés à traiter de l’information du modding et du jeu indé. Nous allons donc revoir les points plus hauts en commençant par le design du site qui est en cours de modification.
Q: Existe t’il un public mods et jeux indés ? J’ai l’impression qu’entre l’usine à gaz qu’est ModDB (heureusement qu’ils ont leurs concours pour faire un peu de promo d’ailleurs), les développeurs n’arrivent pas à mettre en avant leurs jeux auprès d’un public qui n’en soupçonne même pas l’existence. Qu’est ce que vous en pensez ?
BadSpeed: Il y a un public potentiel qu’il faut éduquer. C’était le rôle de l’association PiTrust, qu’on avait créée. Malheureusement, cette tâche est très compliquée et on a du mal à se faire entendre lorsque l’on est un petit site. Il faut un site de l’envergure de PMods pour commencer à réussir à avoir une certaine influence sur la presse spécialisée et rameuter des gens !
Un salon du mod et du jeu vidéo indépendant est crucial aussi pour son développement…
Effbee: Oui il y a un public pour les mods et les jeux indépendants. Il suffit de regarder le succès de Braid, Geometry Wars ou World of Goo. Mais encore, ces jeux ont connu un succès parce qu’ils étaient bons ET parce qu’on en a entendu parler. Regardez quand vous allez dans les magasins de jeux vidéo; Super Mario sera sur la vitrine avant, mais Psychonauts se retrouve enfoui dans un coin à l’arrière. Bref, le problème revient souvent à la promotion. Un jeu peut être merdique, mais vendre comme des petits pains chauds à cause de sa campagne marketing. C’est la même chose dans les mods. Plusieurs ont joué à Counter-Strike ou Day of Defeat sans savoir que c’était un mod. Des mods, il en existe à la pelle, plusieurs sont des promesses qui ne seront jamais tenues, mais au travers, il y en a qui méritent de l’attention et qui malheureusement n’en auront jamais assez. J’aurais peut-être envie de dire aussi que le terme « mod » est très marginalisé. Maintenant, il y a tellement de jeux que plusieurs personnes passent de l’un à l’autre. Si Half-Life, Quake 3 ou Unreal Tournament ont eu autant de mods, c’est entre autres parce que les joueurs voulaient allonger la durée de vie de ces jeux qu’ils ont tant aimé. C’est l’un des pré-requis qu’il faut au joueur pour, après ça, faire un peu de recherche et découvrir la petit mine d’or que peut devenir pour lui l’univers des mods.
Nécro/Matiouu: Oui, il existe un énorme public qui ne sait pas forcément où trouver ses news. C’est en partie pour ça que je voulais lancer ModAddict. ModDB est un espèce de pot pourri sans ligne éditoriale qui se contente de récolter les news des développeurs. Il mettent de temps en temps en avant des projets mais c’est évidemment les ModDB Awards qui font sortir du lot des productions. Le reste de l’année c’est au visiteur de faire le tri.
A l’heure actuelle les développeurs indépendants ne savent pas vraiment vers qui se tourner pour se faire connaitre. Le meilleur moyen reste sûrement d’utiliser les réseaux sociaux habituels, de parler de soi dans un blog, sur ModDB et d’envoyer des mails aux sites généralistes ou spécialisés pour atterrir dans leurs colonnes.
Q: Le mot de la fin ?
BadSpeed: Je remercie du fond du coeur toutes les personnes ayant travaillé avec nous sur PMods, plus particulièrement Rampa, Effbee, QuickSave, Nécrophage et Wraxe. Sans oublier les autres personnes qui ont travaillé sur les sites connexes : PBabe, GameKaz et PiWiki !
Nécro/Matiouu: Je regrette l’époque PMods comme un vieux nostalgique. Nous avons réussi à créer une communauté alors que nous n’étions que des ploucs. Nous avons réussi à rassembler des développeurs pour qu’ils parlent de leurs projets et même que l’on y joue lors des Mods Parties. Nous nous sommes pris de pleine face une communauté intéressante, riche en surprise, une communauté amoureuse du jeu vidéo en général, ne souhaitant que d’ajouter sa modeste contribution dans le monde vidéo-ludique largement pollué par les super productions. Nous avons travaillé avec des personnes qui sont maintenant des amis. PMods est et restera une partie de notre vie, comme ces étés fous passés sur la plage à construire des châteaux de sables en compagnie de celle qui n’a alors que 7 ans mais qui deviendra le soleil de notre vie. Longue vie au modding modmaking !
Suite de l’entretien avec les figures-clé de feu PMods.
Q: Sur quels genre de sites alliez-vous pour la pêche aux news ? Surtout qu’à l’époque le RSS n’existait pas encore… J’imagine que ça a dû être la croix et la bannière non ?
BadSpeed: C’était cent fois pire que la croix et la bannière ! Heureusement, les américains et allemands étaient en avance sur nous, donc on pouvait aller pêcher de l’info chez eux… Pour le reste, c’était forum, contact et site web qu’il fallait relancer tous les jours ou semaines pour avoir des news jusqu’à ce que l’on soit bien connu et que les gens viennent nous voir ! 🙂
Q: L’apogée des mods : comment se passait la gestion au jour le jour ? Combien de temps ça vous prenait ? Ça empiétait sur vos études ?
Rampa: A cette époque j’étais au collège/lycée. Ça occupait pas mal de mon temps libre mais c’est pas comme si je faisais partie des gens cools avec une vie sociale donc ça me gênait pas plus que ça. Je me souviens pas non plus que ça ait gêné mes études, en tout cas moins que les nocturnes sur les serveurs Counter-Strike.
BadSpeed: Sur la v5, je passais entre 30 minutes et 1 heure pour faire le tour de tous les sites que j’avais dans ma liste.
Nécro/Matiouu: C’était simple de mon côté : je consultais les news sur la majorité des sites et forums qui traitaient du modding pour voir ce qu’il y avait au menu du jour. Je distribuais des news dans le cas où le restant de l’équipe n’avait pas vu ce qu’il y avait à faire et me servait justement de notre interface admin nommée « A faire » pour dresser la liste de ce qu’il y avait à traiter. Dans le meilleur des cas les gars se débrouillaient tout seuls. Dans le pire, un coup de pied au cul ne faisait pas de mal pour faire sortir le « newseur » de sa léthargie. Je ne peux vraiment pas quantifier le temps que cela me prenait, puisque c’était quasiment la seule chose que je faisais pendant ma période de nolife chômeur. Beaucoup de temps était également dédié à la communication. Entends par là que beaucoup de moddeurs passaient par moi pour faire passer des news et établir un lien entre eux et le site.
Effbee: Comme je l’expliquais tout à l’heure, au début de PMods, il n’y avait pas de système d’actualités comme on voit maintenant avec les WordPress ou les Blogger de ce monde. Tout était fait à la main, et même parfois Deathblow et moi on s’écrasait nos pages, la joie quoi. Mais bon, j’aurais tendance à dire que ce fut les 6 premiers mois. Ensuite, on a mis en place un système. Quant au temps, j’en avais certainement plus qu’aujourd’hui, parce que j’étais universitaire. Alors, entre études, amis, sorties, dodo, je participais au site et je jouais à Counter-Strike, Day of Defeat, Science & Industry. Est-ce que ça a empiété sur mes études ? Peut-être un peu, mais j’aurais plus tendance à dire que ça les a complétées. Pendant mon baccalauréat en informatique, j’ai à peine étudié sur le web et la réseautique ou bien encore sur la conception de jeu vidéo. Collaborer sur Planète Mods (et maintenant pour HardGamers) ne m’a pas convaincu d’aller dans le domaine du jeu vidéo, mais par contre, je suis devenu un programmeur web.
Q: Intéressant. Pas mal de modmakers sont passés pros grâce aux mods. Qu’est ce qui t’a déplu dans ce genre de milieu ?
Effbee: A force de suivre le domaine des mods et ensuite plus globalement celui du jeu vidéo ainsi que d’avoir quelques contacts dans l’industrie, tu te rends compte que c’est un domaine qui est un gros business, où il y a beaucoup de pression, d’heures supplémentaires, de délais impossibles et de « crunch time« .
Nécro/Matiouu: Quand j’ai repris les cours, j’étais en contrat d’apprentissage. Je pouvais donc passer beaucoup de temps sur PMods après les cours… et même pendant! Le plus dur était de passer sur temps sur le site après le boulot. Il était plutôt dur de concilier vie professionnelle et ce loisir mais je faisais ce qu’il y avait à faire pour que les deux marchent.
Évidemment, ce qui prenait le plus de temps était l’organisation des ModsParties, moment cultissime de l’année que je regrette de ne plus organiser maintenant. Cela nous prenait du temps, plus de temps que prévu, parce que nous n’étions pas dans l’évènementiel. Et c’est un métier l’évènementiel. Au fur et à mesure, ça a commencé à se transformer en un évènement de plus grande envergure. Partir d’une simple LAN avec rétro-projecteur et arriver à un rassemblement de talents sous la forme de mini-conférences, c’était le top.
BadSpeed: Sur la v6, j’ai passé des journées entières dessus pour du développement, de la news, des articles, de la Mods Party ! La plupart des newseurs qui ont bossé sur le site ont passé un temps fou ! Et les différents responsables qu’on a eu, ont passé encore plus temps ! C’est incalculable et c’est génial d’avoir une équipe de folie qui bosse sur ça alors qu’on a les parents qui nous font comprendre que dehors il fait beau… Quant à empiéter sur les études, je n’ai que très rarement raté des cours à cause de PMods. En général c’était quand un serveur nous lâchait… Mais en plus de mes cours je passais au minimum 4 heures sur le site.
Q: Du coup ça explique la baisse de régime qui a suivi. Ce qui nous amène à la fermeture de PMODS : qu’est ce qui a merdé ? motivation ? personne pour assurer la relève ? Obligations professionnelles ? Ras-le-bol des mods et de la commu ?
Rampa: Comme je l’ai dit plus haut mon fantôme est resté jusqu’à la fin de PMods mais j’ai réellement arrêté d’être actif sur le site quelques années avant sa fermeture. Pour ma part c’est parce que j’ai commencé à moins m’intéresser aux jeux vidéos en général et à occuper mon temps autrement. Et puis voir défiler une montagne de mods prometteurs, français ou autres, qui n’aboutissaient jamais c’était lassant à la longue.
Effbee: Je crois que comme tout site administré par un petit groupe, il vient un temps où on se fatigue. Mais bon, je parle au travers de mon chapeau, je ne sais pas pourquoi PMods a jeté l’éponge. Pour ma part, j’ai commencé à participer à HardGamers.com en 2002, un site québécois qui couvre l’actualité des jeux vidéo. J’ai quitté graduellement PMods. HardGamers est tout aussi amateur en ce sens que nous ne sommes pas payés et personne ne vit du site, mais nous sommes une dizaine à l’entretenir chacun à notre manière, à recevoir un support d’environ 80% des éditeurs, et d’avoir la possibilité de couvrir des événements, lancements, etc.
BadSpeed: Je vais pas rentrer dans les détails pour des raisons personnelles… Mais il y a eu une perte de motivation globale de moi & Nécro et personne pour reprendre la relève.
Nécro/Matiouu: Je reprendrais ma phrase « mais je faisais ce qu’il y avait à faire pour que les deux marchent … » jusqu’à ce que j’ai un accident cardiaque suite au stress, manque de sommeil, trop de café, trop de choses à gérer en même temps. C’est là que j’ai commencé à envisager d’arrêter mon activité sur PMods. Donc oui on peut dire obligation professionnelle. Je ne pouvais continuer qu’une activité, étant facilement fatigué. Mon choix était fait : il fallait bien ramener du pain à la maison.
Du coup, les « ptits gars » ont dû prendre la relève et ont continué à faire vivre le site. Je n’ai pas trop suivi l’activité du site après mon départ, cela me faisant trop de mal de voir que je n’y participait plus. Je n’ai pas quitté PMods par plaisir, surtout pas. C’était un arrachement.
PMods semble avoir fermé du fait d’un raz-le-bol et d’une démotivation de l’équipe. D’un autre côté, la communauté a énormément changé et le nombre de projets a commencé à baisser. Même nos frenchies semblent avoir progressivement arrêté de travailler sur leurs projets. L’équipe a commencé à se désolidariser et d’un coup, plus rien ne semblait se passer sur le site.
Q: Tu penses que si Pmods avait réduit la voilure (conduit par la communauté plutôt que par l’équipe), le site existerait encore aujourd’hui ?
BadSpeed: PMods a failli survivre… Mais j’avais posé mes conditions pour garantir l’image du nom et compagnie. Aucune des propositions de site n’est arrivée à terme. Necro ne m’a jamais demandé de reprendre le nom pour son site… Le problème pour la fermeture n’avait rien à voir avec la voilure, il n’y avait simplement plus de manager pour l’équipe…
Q: Tu es en train de me dire que les newseurs de pmods n’avaient pas suffisamment d’expérience pour se gérer tout seuls (-si je comprends bien- : vider la pile de news request, et aller pêcher de l’info sur le net) ?
BadSpeed: Il y a deux grandes différences entre un manager et un newseur pour moi : Le manager n’a pas besoin d’être rappelé, tous les jours, de faire son boulot ET il passe du temps à rappeler aux newseurs de poster des news, en les aidant. Si j’avais laissé PMods vivre après nos départs (Wraxe, Quick & moi), le site n’aurait pas eu de contenu de façon aussi régulière. J’avais le choix entre laisser mourir PMods en lui faisant perdre toute valeur ou le fermer proprement, et malheureusement créer une frustration chez nos lecteurs. Pour ne pas porter préjudice à tout le travail de FOU qui a été fait sur PMods par l’ensemble des équipes dans le passé, j’ai pris la décision (avec le support d’une partie de l’équipe) de tout fermer.
Q: J’avoue que j’ai toujours eu du mal à saisir le rôle de l’association Pitrust, du coup je ne sais pas si elle a réellement réussi à faire percer l’importance du modmaking auprès du public de jeu vidéo traditionnel. Peux-tu en faire un rapide bilan ?
BadSpeed: Avec la taille de PMods qui augmentait énormément, on avait besoin d’un statut juridique pour discuter avec les boites de jeu vidéo, pour être crédible. On avait deux solutions : créer une entreprise ou bien une association. N’ayant pas de revenus ou presque, l’association était la meilleure solution. Le but était de promouvoir les jeux vidéo en France, et pour ça on avait récupéré GameKaz (un site de jeux vidéo console et PC) et on avait lancé PiWiki ! Malheureusement, on s’est développés trop vite. Au final, on avait pas le staff pour faire ça, ce qui explique que l’association n’a pas bien fait sa pub, sa communication. On aurait du davantage bosser le concept et tout le reste… Mais le gros problème, c’est qu’il fallait faire des Assemblées Générales, suivre la comptabilité… Bref du boulot « chiant » en plus qu’on avait pas besoin; du coup ça n’a vraiment pas marché, ce qui est dommage.
Nécro/Matiouu: L’association PiTrust a été créée dans un premier temps pour avoir une « entité juridique » derrière le site. On collectait de l’argent lors des ModsParties, c’était tout de même mieux d’avoir un compte sur lequel rassembler l’argent. C’était sur ce compte qu’arrivait également les cotisations des membres et les revenus générés par l’affichage des pubs sur l’ensemble du « réseau PiTrust ». PiTrust pouvait donc soutenir financièrement le coût de l’hébergement (2 serveurs) et les coûts inhérents à l’organisation des rassemblements (ModsParties et restos). L’association s’est vue grandir et de nouveaux objectifs se sont profilés à l’horizon : faire connaitre le jeu vidéo « alternatif » au plus grand nombre et agrandir le réseau pour devenir une force dans le paysage vidéo ludique français. Nous voulions même faire de la Mods Party un évènement plus large que l’on aurait nommé au hasard « Festival du jeu vidéo ».
Nous aurions pu arriver à ces objectifs si PMods et tous les autres sites n’avaient pas fermé. L’équipe était soudée, nous avions tout pour réussir.
Q: Penses-tu qu’un site comme Moddb permette d’éclaircir le public sur les mods qui l’entourent ? Où est-ce un pas en arrière ?
Effbee: C’est bien beau d’avoir des nouvelles et des mises à jour sur le travail de telle équipe sur son mod, mais tant que le joueur n’aura rien de tangible, je crois que ça ne l’intéressera pas. Ce qu’il veut, c’est connaitre les mods qui existent et qui sont disponibles. En ce sens, ModDB est une méga grosse Base de Données, plus sous le sens de fiches que de site de nouvelles. En tous cas, il ne manque pas de filtres de recherche pour tomber sur ce que l’on désire. Est-ce que les mods se retrouvent ainsi noyés ? Sans doute, mais une fois encore, la meilleure visibilité que peut avoir ton mod, c’est que t’en aies sorti une version grand public.
BadSpeed: Lorsque ModDB est sorti, de mémoire, on était sur la V5. On l’a vu débarquer et on a trouvé le concept vraiment génial : l’idée de dupliquer IMDB pour les mods, ne pouvait être qu’un atout pour la communauté globale. Lors de la création de la v6 & v7, ModDB a été un peu notre objectif avec QuickSave et les autres : vouloir regrouper TOUS les mods qu’on pouvait croiser. Pour les mods FR, on voulait leur donner des outils pour que les leaders puissent poster directement news, mises à jours et screenshots. Mais comme sur ModDB, ça n’a jamais vraiment marché… Il faut dire que les moddeurs n’ont pas que ça à foutre… (c’est pourquoi je préconise à mes amis moddeurs d’avoir un gars en charge de la communication, c’est un vrai boulot qui prend TROP de temps au leader).
Nécro/Matiouu:ModDB est comme je le précisais un réceptacle à news rédigées par les développeurs et acceptée par l’équipe de ModDB. Ce site est conçu à l’inverse de ce que l’était PMods à savoir que c’est la communauté des développeurs qui fait ses news et non une équipe de newseurs. PMods permettait aux développeurs de proposer leurs news mais ce n’était que très peu utilisé par les français. Ainsi, il n’y a pas de tri. L’avis est donné par la communauté à la manière des commentaires des réseaux sociaux. Mais vu qu’il y en a pour tous les goûts, tout le monde aime tout. Dur de s’y retrouver. Donc non, ModDB n’éclaircit par la situation, sauf par ses ModDB Awards qui permettent d’élire les meilleures productions sorties ou non.
Pour autant ModDB permet de rassembler les développeurs dans un site de « base de données » où les farfelus comme moi peuvent facilement trouver des nouveautés. Quant au public, il peut aisément trouver des mods à télécharger, surtout depuis que ModDB dispose de sa propre plateforme de téléchargement (nous aussi nous en avions une sur PMods avec PFichiers !).
Ce n’est pas forcément un pas en avant ou un pas en arrière. ModDB continue d’être une base de données impressionnante mais non filtrée. ModDB continue sur sa lancée et souhaite plus que tout que la communauté de développeurs s’investisse.
Au final ModDB ne fait que « subir » les news que son équipe modère. En clair, l’éditorial est géré exclusivement par les développeurs donc celui qui dispose d’un professionnel des relations publiques peut se retrouver à avoir un public très rapidement (voir par exemple Overgrowth ou Ahhhhhh qui savent très bien utiliser la communauté de ModDB).
Rendez-vous la semaine prochaine pour la dernière partie.