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Valve et le futur du game design

Nofrag en a parlé il y a quelques temps, et c’est passé relativement inaperçu, mais Valve semble avoir compris comment mettre la tech au service du game design, et de ce fait possèdent une avance non négligeable sur le reste de l’industrie du jeu vidéo. Pas moins.

Gabe Newell a posté sur la version électronique du magazine britannique Edge un compte-rendu sur les rouages internes de Left 4 Dead et notamment sur les mystères de son AI Director, une entité permettant de changer le contenu du jeu en temps réel. Pour faire simple, l’AI Director agit à la fois sur la narration, la difficulté et le rythme.

Collection de données

On sait que par le passé Valve utilisait un outil interne de tracking afin de déterminer où les joueurs mourraient dans leur jeu. Une fois la collecte de statistiques effectuée, des deathmaps sont générées et permettent de régler la difficulté du jeu post-playtests et également post-release. Cet outil est là depuis Half-life 2.
Des améliorations y ont ensuite été apportées pour Episode 1 et Episode 2, en ajoutant les taux de réussite map après map, les temps de jeu, etc.
Au final, l’outil est réparti sur les paramètres suivants :

– Le Completion Time : le temps moyen pour finir une map
– Le Total Play Time : le temps moyen de jeu à date
– La Highest Played Map : la map la plus populaire
– L’Average Deaths : combien de fois meurt-on par map
– Les Deaths Maps : un plan de la map vu de haut avec des couleurs représentant les zones où l’on meurt le plus souvent

Pour Left 4 Dead, qu’ont-ils ajouté ?

En partant du postulat qu’aucune partie ne devrait ressembler à une autre, il leur fallait 2 choses que le multiplayer n’offrait pas à l’heure actuelle :

– La narration dynamique, capable d’endurer plusieurs revisites sans bouffer les mêmes lignes de dialogue
– L’adaptation du rythme, afin de ne pas rencontrer les mêmes ennemis toujours au même endroit

Les grands principes de l’adaptation de la difficulté sont déjà connus, il ne reste qu’à s’assurer qu’elle ne soit pas trop basse ou trop élevée.

Il s’agit de collecter de nouveaux paramètres.

Quels sont les paramètres d’entrée de l’AI Director ?

Pour que le jeu adapte la difficulté et le rythme en fonction du joueur, il lui faut des paramètres d’entrée.

We tried to note as many interesting contexts of their actions as possible. Are they moving together as a group or are they splitting up? Is their mouse jerking around a lot, or are they interacting smoothly? Are they agitated or are they relaxed? How much damage are they taking? How accurate is their shooting? – Gabe Newell

D’où :

– La position dans l’espace des survivants
– Les mouvements de la souris (fluides ou hachés)
– La posture des survivants (marche, accroupi ou course)
– Le chemin parcouru (plus il est grand plus le survivant concerné peut être qualifié d’explorateur)
– L’état de santé, les munitions etc
et d’autres choses plus subtiles :
– Le nombre de fois où le joueur a été incapacité
– etc etc

Certains de ces chiffres semble familiers : ils apparaissent en effet lorsque l’on fini une campagne. D’autres sont directement liés à des achievements.
A partir de là, il s’agit de dresser le profil des joueur en temps réel. Le joueur peut être qualifié de confiant, stressé, prudent, débordé, ou bien au bord de la mort à partir des paramètres d’entrée.

La narration quant à elle, dépend directement du rythme. Le jeu cherche à trouver des temps de pause où le rythme tombe pour lancer les répliques des survivants.

La difficulté puise directement dans les outils initiaux de Valve. On regarde esentiellement le nombre de morts et l’endroit où l’on meurt, et l’on ajuste les spawns d’IA en conséquence.

Quels sont les outputs de l’AI Director ?

Les données sont collectées et analysées en temps réel, tous les profils sont dressés, et désormais, il s’agit de regarder dans la base de donnée quel genre de réponse prédéfinie on veut donner au joueur.

Ce groupe-ce est éclaté ? Les 4 survivants avancent moyennement, mais n’ont plus beaucoup de vie ? : on fait spawer un Smoker. Ce groupe-là au contraire est soudé, avec une bonne précision au tir ? Prenez un tank dans la gueule.

Même chose pour la narration. En fonction du temps estimé (ex: un des survivants se heale, ou bien sont dans la spawn room, ou bien entre 2 hordes) ou du stimuli envoyé par la proximité de zombies spéciaux, l’AI Director défini un budget temps probable, et regarde dans sa base de données pour voir si une réplique correspond à ce budget temps. Si oui, la ou les répliques sont lancées.

Pourquoi Valve est-il loin devant ?

Les mises à jour du jeu sont facile à faire : le plus dur était de dresser les profils pour le rythme, et de définir le temps pour la narration. Il ne s’agit plus que de remplir davantage les bases de données de réponses pour offrir un jeu plus riche offrant une variété de situations de jeu incomparables.

De plus, Valve a une autonomie que peu de studios et d’éditeurs peuvent se targuer d’avoir. Leur politique met la R&D au centre de la conception des jeux avec une seule contrainte : la tech doit être au service du gameplay.

Question subsidiaire : est-ce que l’on tue le level designer ?

Réponse subsidiare : partiellement. Le travail du LD consistait auparavant à poser à la main les monstres et les kits de soins. Désormais, son rôle va davantage être orienté sur la création du fichier de réponses dans la base de données (et ouais, ce sont des situations de jeu), sur la circulation du jeu et s’intéresser davantage aux problématiques architecturales (= comment j’ammène le joueur à cet endroit sans qu’il s’en rende compte).

EDIT: comparaison avec la concurrence oui, mais avec de meilleurs exemples + ajout de qqs paramètres en entrée en exemple + un mot sur la difficulté dynamique.

15 réponses sur « Valve et le futur du game design »

J’aime bien ton analyse, cependant, le fait que je ne puisse pas le vérifier à cause de ce putain de bug Steam de merde de jeu non disponible pour le putain de moment m’empêche de te dire bravo.
Sincèrement désolé.

Je ne pense pas que ça tue réellement le level designer. Ca lui donne un statut moins bâtard, car il est aujourd’hui encore en partie responsable du rythme du jeu, de l’architecture des niveaux (dans le sens purement gameplay) et de nombreux autres éléments. C’est le seul poste dans le domaine de la création vidéo-ludique qui me parait aussi généraliste. Avec cette nouvelle approche, on va sûrement voir arriver des programmeurs uniquement dédiés à l’analyse comportementale des joueurs et des purs designers composants des mécaniques de jeu basées sur des réactions humaines. Le level designer pourra travailler pleinement sur l’architecture même des niveaux, délestant ainsi un peu du travail « le cul entre deux chaises » des environment level designers et ainsi de suite dans la chaîne de création jusqu’aux artistes.

Ouais sauf qu’en termes de narration, ça risque de devenir un poil plus compliqué s’il s’agit d’un jeu avec une vraie histoire solo. Lancer quelques lignes de dialogue au moment opportun, c’est certes bien vu, mais ça va pas plus loin.

Et sinon, c’est un peu facile de comparer la technique dans son ensemble pour descendre Dead Space et Assassin’s Creed. Tu compares trois trucs qui n’ont juste rien à voir: l’ergonomie (pour l’interface de Dead Space), le moteur graphique (pour Assassin’s Creed) et enfin la bonne utilisation des métriques et autres outils statistiques pour adapter le jeu en temps réel (Left4Dead).

Chouette article, sinon.

Hum, l’IA Director de L4D (en versus en tous cas), on peut pas dire que ça soit aussi idyllique que tu le décris.

Ton article est presque excellent, manque juste une traduction de la partie clé de l’article (We tried to note as many interesting contexts of their actions as possible. Are they moving together as a group or are they splitting up? Is their mouse jerking around a lot, or are they interacting smoothly? Are they agitated or are they relaxed? How much damage are they taking? How accurate is their shooting? – Gabe Newell) où tu pourrais énuméré les situations clefs analysées par L’AI director (et mettre en gras comme le reste de ton article).

Je rejoins Drchakaboudinov, même dans le mode coop expert, finalement, y’a 3 spawnpoint pour le tank/witch, et les infectés spéciaux spawnent toujours aux mêmes moments/endroits, qu’on soit organisé ou pas et quel que soit le niveau de teamplay.

J’aime beaucoup le jeu, mais pour l’avoir parcouru en long, en large et en travers, force est de reconnaitre que finalement, on est plus proche de spawnpoints un peu plus nombreux et aléatoires que dans d’autres jeux que d’un vrai outil d’analyse temps réel du niveau des joueurs.
Ou alors, celui ci est peut être simplement encore mal exploité.

Et puis on peux carrément parler de grosse erreur de (non)game-design lorsque qu’on aborde la probabilité de tank en début de map en versus.

Reste à mon avis un autre très gros point noir du gameplay du jeu :
Les techniques obligatoires de survie en Expert deviennent de l’anti-jeu en versus (sans parler du camping dans les placards qui, en général, permettent juste de chopper un vomi de boomer non detecté avant un tank), forçant les joueurs à s’espacer, bourriner et faire un peu n’importe quoi pour laisser une chance aux infectés.
Et là, je ne vois pas comment ils vont s’en sortir.

« Les techniques obligatoires de survie en Expert »

Toutes les maps expert sont faisable sans forcement se foutre dans un placard ou exploiter un bug.
Après, c’est aux mecs de pas faire de l’anti-jeu, puis franchement en versus, avant de crever …

Non justement, je ne parle ni de placard ni d’exploiter de bugs.

Maintenant, avec 20hp en moins sur une simple claque d’infecté (soit deux claques et le tank devient fatal) , la rareté des medpacks, le nombre de hordes et d’infectés spéciaux, je me demande comment on peux finir les quatre campagnes sans adopter de formation très serrée ou chacun peut protéger l’autre d’un simple clic droit pendant que l’autre allume.
(et pourtant, en moyenne avec mon groupe habituel, on est tous à plus ou moins 40 – 45% de précision, et très peu de tir amis dans les bons jours, les hordes arrivent quand même fréquemment au contact).

Le placard est la solution la moins efficace assez souvent puisqu’elle t’expose directement à certaines attaques d’infectés spéciaux par manque de visibilité et particulièrement au tank, ne sachant pas d’où il va arriver.

En pack, dos à un mur/angle dans une zone ouverte, le résultat est le même sans effets de surprise. Et c’est tout sauf un exploit, c’est juste une position pour se couvrir mutuellement en protégeant ses arrières.

Et c’est bien ce que je dis, les notions d’anti-jeu du versus correspondent aux réflexes de survie du mode expert. cumulé avec les coups de crosses qui annulent les attaques des hunters et smokers, c’est vraiment mal foutu.

C’est parfois à se demander si cet IA director n’est pas une grosse blague, parce que, pour le spawn des zombies, on croirait à une vingtaine de points qui sortent aléatoirement.

Parfois des survivants rushent comme des malades, rien n’est créé pour les arrêter.

Quand le tank se met à spawner avant même que les survivants ne sortent, faudra m’expliquer l’intervention de l’IA Director.

Je pense qu’on a fait tout un foin alors qu’en fait, ce n’est vraiment pas grand chose.

« Are they moving together as a group or are they splitting up? Is their mouse jerking around a lot, or are they interacting smoothly? Are they agitated or are they relaxed? How much damage are they taking? How accurate is their shooting? »

Ah alors faut que j’arrete de jouer comme un dieu pour que le jeu arrete de me submerger de hordes…

Bon article, à ce propos je peux aussi vous conseiller NO MERCY avec le mode commentaires développeurs (Extras -> Audio comments). Il y a une vingtaine de commentaires par maps et on apprend pas mal de choses comme l’explication du halo autour des persos, la façon de narrer une histoire avec des détails comme les cadavres recouverts d’un draps à quelques endroits clés, etc, etc (en plus les zombies vous ignorent on est tranquille).

Je me suis pas encore tapé tous les niveaux mais les deux premiers sont déjà très instructifs.

@Fwouedd

Moi je parle bien des placards, après se mettre dans un angle c’est obligatoire, surtout avec de la bile de boomer sur la gueule.

Tout ce que tu décris, ce sont des suppositions, exact ? Si ce sont des suppositions, ce serait pas mal de le marquer en début d’article de façon claire car sinon c’est un peu de l’arnaque ton papier : affirmer que l’IA Director fonctionne de telle ou telle façon alors que c’est peut-être totalement faux, c’est malhonnête.

En pratique, j’ai trouvé l’IA Director beaucoup moins impresionnant que ce qu’on nous promettait. Les tanks apparaissent toujours aux mêmes endroits, on ne voit aucune cohérence dans les spawns des objets et des boss… En tout cas je n’ai jamais eu l’impression que le jeu m’aidait ou me mettait des bâtons dans les pattes suivant la façon dont je jouais.
– T’es bon : tu finis une campagne en expert en 1h15.
– T’es mauvais, il te faut 4h.

Il y a tellement de trucs grossiers qui cassent le gameplay et le rendent infiniment moins intéressant qu’il pourrait l’être que j’ai du mal à croire que VALVe ait passé autant de temps à bosser sur leurs stats. Le jeu est bourré de failles : quand tu sais bien jouer, le coop devient vite ennuyeux et pas seulement parce que tu connais les maps. S’ils nous sortent une nouvelle campagne sans modifier leur gameplay, je vais la terminer en 1h30 les doigts dans le nez sans éprouver la moindre tension.

Iggy : doublement exact. Le côté intégration/réglage & scripts est la partie la plus « chiante » du métier. Le côté « architecte » du LD est probablement l’aspect le moins poussé du métier et pourtant l’un des plus intéressants. Actuellement les Env Artists se fadent toute la partie archi, alors qu’ils n’ont pas été formé à ça pour la plupart. Avoir du backup permettrait à chaque binôme d’avancer main dans la main en phase de whiteboxing.
L’arrivée de Game Designers avec une formation liée à la sociologie est un vrai plus pour le jeu vidéo. Nul doute que ces profils soient de plus en plus populaires.

Mawwic : exact. Left 4 Dead est une sorte de proof of concept en la matière. Il y a encore (beacoup) de boulot pour que ca fonctionne en Single Player.
Pour les références à Dead Space et AC, j’ai édité l’article. Cet appel au troll était bien inutile.

Starflam : c’est ajouté.

Doc : Ce sont des suppositions en effet. Mais avec une bonne part de vérité : l’analyse des inputs du joueur pour créer son profil et adapter le jeu en conséquence. J’extrapole derrière en donnant quelques inputs en exemple, qui peuvent très bien s’avérer faux.

En pratique, vous avez l’impression que le jeu ne change pas ou peu, ou que ces changements ne reflètent pas la façon de jouer. De mon expérience perso, il y a bien plus de Pills de dispo quand on se fait marbrer 3 ou 4 fois de suite sur une campagne en expert; les tanks spawnent plus tard; les spéciaux sont moins réguliers. Je suis d’accord avec vous sur le fait que l’expérience de jeu ne change pas du tout au tout. Est-ce dommage ? Peut-être. On peut espérer que le système soit plus raffiné au fil des mises à jour de Left 4 Dead.

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