Récemment j’ai été contacté par un étudiant qui souhaitait avoir des conseils pour préparer son test de LD en vue d’un entretien. Il est vrai qu’hormis de trop rares exemples, il est assez difficile de savoir 1) comment procéder et 2) comment faire la différence. Si l’on prend en compte la qualité fluctuante des cours de game et level design dans les écoles de jeu vidéo en France, il est compréhensible qu’un étudiant soit un peu perdu lorsqu’on lui demande de se mesurer à des professionnels. C’est d’autant plus critique que vu la masse de candidats pour un poste, il va vous falloir quelques atouts dans la manche.
Les juniors ont un avantage indéniable quand on compare la situation d’aujourd’hui à, disons, celle d’il y a 6 à 7 ans: certes les places sont plus chères, mais vous avez bien plus d’outils de prototypage stables et fiables qu’à l’époque (Unity n’existait pas, le CryEngine c’était atroce dès qu’on essayait de faire autre chose que des terrains, UDK était fourni castré avec UT3, et on pensait tous qu’id allait rafler le marché des outils de dev avec idStudio -haha qu’est ce qu’on a pu être cons!-). Dans ce même laps de temps, une quantité astronomiques d’articles plus ou moins théoriques sur la conception de jeux ont vu le jour, vous rendant à même d’être plus qualifiés que vos ainés à expérience égale, sous réserve évidemment de trier le bon grain de l’ivraie.
Ce petit article a pour but de vous donner quelques pistes pour réussir.
Le contenu typique d’un test de game design
La plupart des tests avec lesquels j’ai eu maille à partir ont globalement le même tronc commun:
- Créativité
- On vous donne une contrainte de départ (ex: Le protagoniste principal est adepte du parkour)
- Vous devez créer un set de règles de game design
- Et fournir une map d’exemple
- Level Design
- A partir d’une liste d’ingrédients
- Et un layout donné
- Créez plusieurs variations intéressantes autour de ce layout
Se greffent parfois des exercices d’optimisation (segmenter un layout en fonction des contraintes de streaming et de visibilité) et de scripting (on vous donne quelques nodes de script et à vous de faire les diagrammes pour accomplir les différents scripts demandés); sans oublier les indémodables tests de culture générale (Dontnod en est extrêmement friand) et autres listes de qualités requises d’un bon designer.
Le test peut se faire dans les locaux de l’entreprise, chez soi ou bien les deux, à la discrétion du potentiel employeur. Bien qu’il soit plus difficile de réaliser l’entièreté du test chez l’employeur (généralement à cause d’une forte contraintes de temps), ça n’est pas impossible pour autant.
1) Se renseigner sur le passif de l’entreprise
Premier objectif, récupérer des renseignements sur le jeu en développement de la boite qui vous a proposé le test. C’est capital puisqu’il y a de fortes chances que le test soit « orienté » vers ce que l’entreprise fait en ce moment. Par exemple, Eugen Systems ne faisant que des jeux de STR, il est improbable qu’ils vous demandent de faire un niveau pour un FPS. Même chose pour Arkane Studios, leurs fondateurs martèlent depuis des années que les simulations immersives sont leur marotte, ils ne vont pas tout foutre à la benne et se mettre aux Tower Defense sur iOS ! Quant aux studios un peu plus jeunes, tels qu’Ivory Tower , un rapide coup d’oeil sur Linkedin montre que la majorité de ses employés sont des anciens de Test Drive Unlimited, vous croyez qu’ils ne vont pas faire un nouveau jeu de bagnoles ?
Alors évidemment, pour les 3/4 des gros studios c’est assez facile, mais lorsque l’on tombe sur des boites au portfolio varié (Asobo, Spiders, Cyanide…), ou bien sur des studios iOS ou Facebook, c’est un peu plus compliqué, surtout quand le projet en cours n’est pas annoncé. Soit vous avez du bol et vous avez une connaissance qui travaille là-bas, soit faut y aller au culot: en contactant les anciens employés (en profitant du réseau de votre école ou bien carrément à l’arrache), avec un peu de skill social vous saurez dans les grandes lignes quel genre de jeu se prépare.
Dernière étape avant d’aller plus en avant, se renseigner sur la technologie utilisée par le studio pour lequel on va devoir faire le test. On fait un rapide tour sur les offres d’emploi de l’AFJV et la plupart du temps le moteur utilisé est écrit en clair. Si c’est du Unreal (Dontnod, Cyanide…) ou du Unity (Amplitude…), vous êtes en veine, ça va être super simple. Dans le cas contraire, rien n’est perdu: la plupart des moteurs 3D tirent parti de meshes modulaires (voir notamment cet article) que l’on assemble pour créer le niveau en tant que tel. Quant aux moteurs 2D, les systèmes à base de tiles sont encore d’actualité.
2) Préparer ses assets
Deuxième objectif, préparer sa banque de meshes 3D (ou de tiles 2D) afin de disposer d’un set de briques qui s’apparentent à des LEGO™. Ces modules vous serviront à assembler grossièrement votre niveau sans perdre de temps dans une modélisation hasardeuse à base de BSP ou équivalent. L’idée est d’avoir déjà en stock des éléments usuels afin de vous permettre de faire des modules un peu plus spécifiques et davantage liés à votre test pour raffiner votre layout. C’est également pour vous un avantage non négligeable pour la prod, car l’on vous demandera souvent de travailler de cette manière, afin que votre artiste enviro puisse gagner du temps.


Listez ce dont vous avez besoin dans un premier temps (murs, sols, plafonds, encadrures de portes…), après vous irez chercher des modules un peu plus complexes. Pensez aussi aux éléments de gameplay que partagent la plupart des jeux (Point d’entrée, point de sortie, objectif principal et éventuellement secondaire…) et faites-en des icônes et/ou des meshes 3D.
Quelques bonnes pratiques si vous exportez de Sketchup:
- Attention au pivot du component qui sera toujours en 0,0,0
- Pensez à snapper votre objet à l’origine
- Soyez malins dans le choix du pivot
- Les meshes de topologie doivent avoir un pivot sur une de leurs extrémités, afin de pouvoir les placer les uns à côté des autres
- Les props doivent avoir leur pivot au centre de leur base, afin de pouvoir les faire pivoter selon l’axe Z en toute sérénité
- Attention à l’export
- Seul Sketchup Pro est capable d’exporter en .fbx. Avec la version gratuite vous devrez passer par Blender (import en Collada) puis réexporter en FBX.
- Vérifiez que le Y is Up dans les option d’export est activé si vous travaillez avec Unreal ou Unity. Vérifiez dans la doc des autres moteurs pour savoir quoi choisir.
- Attention aux conversions d’unités ! Unreal est en millimètres, Unity en centimètres (vous pouvez cependant régler le Scale Factor dans les options d’import pour avoir du 1:1 avec Unreal)
- Attention aux collisions !
- Pour les modules simples (convexes) c’est trivial, mais dès que l’on rentre dans des formes un peu plus concaves (Doorframe ou Window), il faut activer les collisions à la face
- Dans UDK:
Import UDK - Dans Unity: Ajoutez un Mesh Collider par dessus votre module
Import Unity - Pour les autres moteurs, vérifiez dans la doc (si elle existe hinhin :] )
- Dans UDK:
- Pour les modules simples (convexes) c’est trivial, mais dès que l’on rentre dans des formes un peu plus concaves (Doorframe ou Window), il faut activer les collisions à la face
Vous pouvez désormais construire votre banque de modules. Faites vous différents sets en fonction des genres de jeux (FPS/TPS, Course, Plate-forme, …) et vous serez parés le jour J.
Notez bien que tous vos modules se doivent d’être gabarisés, afin que vous puissiez les permuter les uns avec les autres, sans pénétration de mesh. Travaillez proprement 🙂
3) Gérer son temps
Chez soi ou bien sur place, on va vous allouer un temps maximal pour compléter le test. Ne faites pas la même bêtise que j’ai faite lorsque je me suis fait recaler par Eidos il y a 4 ans, ne passez pas 30 heures sur votre test, c’est le meilleur moyen d’oublier d’aller à l’essentiel.
Ne faites pas non plus de tutorial débile, genre apprendre à sauter. Si vous avez une ou deux mécanique un peu complexe(s), ça vaut le coup de faire un tuto rapide, puis une application directe, et enfin une variante avec un twist, en combinant 2 mécaniques par exemple.
De mon expérience perso, je sais que j’ai beaucoup de mal à poser mes idées si je suis devant un PC (problème d’auto-discipline inhérent à ma personne :o), et il est trop facile de butiner sur le net pour chercher des références -chronophage- alors que ça n’est pas nécessaire à ce stade). Généralement je me pose quelque part avec un calepin et une bouteille de scotch et je commence à réfléchir sur la façon dont je vais pouvoir poser mes mécaniques et leur potentiel en level design. Je pose des notes en vrac, je rature dans tous les sens, je fais des layouts en topdowns rapides pour « voir » comment ça va s’entremêler, etc.
Vaut mieux le faire en plusieurs sessions (genre 20 minutes par ci, 15 par là avec un bon break entre les deux), le downtime va vous permettre d’auto-critiquer ce que vous avez déjà posé jusqu’ici, et de trouver de nouvelles idées. N’hésitez surtout pas à virer les trucs un peu moyen, c’est le moment idéal pour le faire.
Une fois que vous avez trouvé les 2 à 3 situations de gameplay que vous compter développer, vous pouvez passer à la mise au propre du layout. Cette fois, pas de pause, assemblez vos modules en une seule session. Faites un break quand c’est terminé.
Dans la mesure du possible, essayez d’avoir du feedback en direct de la part de vos camarades de classe. Ca n’est pas forcément évident vu les temps impartis, mais c’est que du bonus. Essayez d’avoir ce feedback suffisamment tôt, car il est possible que vous ayez à refondre votre layout en profondeur.
4) Terminer le test
On a tous eu cette impression désagréable qu’il manque des trucs alors que le temps vient à manquer. Essayez d’évaluer le temps que ça peut vous prendre. Si ça réclame trop de boulot pour un gain bof-bof, oubliez l’idée. Auto-disciplinez vous et terminez le test même si vous pensez que c’est pas votre meilleure œuvre, car vous pourrez toujours en discuter lors de l’entretien qui va (peut-être) suivre.
Vous avez suffisamment de pistes pour vous mettre au boulot. Foncez :o)
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et je le reproduirai ici. Mais vous commencez à connaître la chanson.
12 réponses sur « Bien préparer son test de level design »
Tiens d’ailleurs tu sais pourquoi personne n’utilises l’idTech 5 ?
Trop complexe ?
Licence trop cher par rapport à l’Unreal Engine ?
Sinon les LEGO de base sont fait dans un autre éditeur, style 3DS ou MAYA et importé ensuite dans le moteur souhaité ?
Je crois que c’est pour la même raison que personne n’utilise le Frostbite : ça appartient à l’éditeur et ce n’est pas commercialisé.
A mon avis c’est du sketchup (vu le 1er screen)
Interessant
La même chose, version « Bien préparer son test de gameplay programmeur » ?
Putain d’article méga-intéressant même pour un profane comme moi.
Comme Nood, je découvre complètement et je suis soufflé par ce genre de test !
Merci !
Instructif. Meme demande que Wonse si tu as le recul necessaire: des conseils pour les professions annexes? (Gameplay/engin/UI/tool programmer)
J’ai du louper un épisode alors, parce qu’il me semblait qu’id Software vendait des licences de ses moteurs, d’ailleurs COD vient de l’idtech 3, non ?
Ils ont arrêté le licencing en 2010, et l’idStudio pour modder Rage est sorti le mois dernier seulement (et est loin du pipeline d’un UDK par exemple, c’est plutôt roots pour un outil de 2013).
Les COD actuels n’ont plus qu’un lointain tronc commun avec Quake 3 (dont le code est open source quoi qu’il en soit).
Et je rejoins tout le monde sur le fond de l’article, voilà qui va éclairer plus d’un postulant.
Ils ont bien essayé je crois ? Mais peut-être que ça datait d’avant leur rachat..
Merci pour vos retours 🙂
Effectivement j’ai produit les differents modules avec Sketchup, pour les exporter en FBX. On peut utiliser n’importe quel editeur polygonal comme 3DSMax ou Maya a des fins identiques. A vous de voir quel logiciel vous preferez.
Et non, pas d’article equivalent prevu pour les programmeurs, ne l’etant pas moi meme je risque de raconter des betises…
Réviser son algèbre linéaire et savoir sucer.