Catégories
Actualité

NaissanceE, poésie brutaliste

Il est tentant de ranger NaissanceE, le premier jeu commercial de Mavros Sedeño au rayon des trucs expérimento-narratifs comme Dear Esther ou Gone Home. Or c’est aller un peu vite en besogne, car contrairement aux deux larrons au challenge proche du nul, NaissanceE s’adresse à un public à l’aise avec le platforming millimétré et apte à se triturer les méninges sur des puzzles plus ou moins évidents. Autrement dit, un jeu de niche, pour des joueurs de niche.

NaissanceE
NaissanceE

Mavros et moi, on se connait depuis 2008, à l’époque où l’on suait sang et larmes sur I Am Alive période Darkworks. Lui a au moins eu la présence d’esprit d’abandonner le navire au bon moment. Après un court passage chez Crytek où l’herbe n’est finalement pas plus verte qu’ailleurs, il décide de revenir à Paris pour développer la suite spirituelle de son mod pour Far Cry, Naissance, qui concluait jusqu’alors son cursus aux Beaux Arts. Les deux jeux sont très proches : on retrouve le style caractéristique à base d’ambient occlusion sur une architecture massive et brutaliste qui rappelle le Métropolis de Fritz Lang, construit autour d’un gameplay d’exploration très erratique, à la limite de l’absurde. Le dernier-né a néanmoins quelques atouts dans sa manche.

Un des rares moments de respiration
Un de ces moments de libération d'endorphines

Il serait réducteur de qualifier NaissanceE de FPS Narratif. Ici, pas de voix off ni d’inscriptions sur les murs comme le font tous les canons du genre, mais une expérience alternant frustration et émerveillement, dans un level design torturé, vertigineux, parfois non-euclidien voire stroboscopique (!) et prend un malin plaisir à faire tourner le joueur en bourrique. Le challenge, très disparate, alterne des phases de grimpette qui se jouent sur quelques pixels avec des épreuves de réflexe qui en énerveront plus d’un. La rareté des checkpoints accentue grandement cette frustration et l’on soupçonne l’auteur d’avoir quelque peu oublié les playtests au cours du développement. Quelques puzzles basés sur l’ombre et la lumière moins vifs sur les nerfs viennent heureusement soulager le joueur le reste du temps.

Sang et larmes au menu ce soir
Sang et larmes au menu ce soir

NaissanceE est un jeu où le silence retrouve ses lettres de noblesse. La bande-son, fabuleuse, s’immisce subrepticement pour sublimer les phases de jeu clé. Deux séquences reviennent régulièrement; celle des limaces -ça n’a l’air de rien comme ça-, et l’orchestre éphémère, qui m’ont toutes deux envoyer planer. Inoubliables. Avec tout ça, on continue d’avancer, on erre, on cherche une sortie parmi l’immensité des lieux -que l’on trouve sans vraiment la chercher au fond- on découvre de nouveaux gimmicks, de nouveaux décors, toujours plus fascinants, des jeux de lumières toujours différents, des jeux avec les conventions, des interludes, des délires de designer. Chaque nouvelle zone apporte son lot de surprises et c’est ce qui, au fond, nous pousse à continuer d’avancer.

Les limaces, moment de grâce
Les limaces, un moment de grâce

En définitive NaissanceE est un jeu qui divise. Certains saisiront les nombreuses références aux cultures de toutes sortes, la peur de l’immensité… D’autres y seront complètement hermétiques. Pour ma part les maigres passages qui m’ont illuminé pardonnent la finition. Sans regrets.

NaissanceE est sorti le 13 Février sur Steam. Un patch est sorti hier et ajoute quelques points de sauvegarde supplémentaires, sans toutefois toucher au challenge.

5 réponses sur « NaissanceE, poésie brutaliste »

Je crois, que tu as fini de me le vendre. L’inspiration mégastructure tout droit venue de chez Tsumotu Nihei me faisait déjà bien de l’oeil. Pourquoi personne ne joue pas plus avec les volumes dans le JV ?

Surement parce que plus personne ne s’émerveille des possibilités que cela permet.
Nous sommes en tant que joueur peut-être trop habitués aux fantaisies possibles dans une DA ou en Level Design pour continuer de nous en apercevoir.

Et puisque ça ne devient plus un argument de vente, les développeurs arrêtent (dans une certaines mesure) d’utiliser ces fantaisies?

Après tout, les jeux couloir et scripté ancrés dans un univers réel semblent largement satisfaire 95% des joueurs.

J’étais tellement content de finir ce jeu pour pouvoir le désinstaller au plus vite. Journey sur PS3 était quand même beaucoup plus prenant dans le style.
Là, je n’ai aucune idée de ce dont le jeu attendait de moi, je n’ai jamais fait attention aux musiques tellement elles étaient quelconque, et on passe le plus clair de son temps à chercher l’escalier dérobé pour avancer. Le systeme de sprint est inutile et nous force à garder la main sur la souris pendant qu’on avance 5 minutes tout droit dans le désert.
J’en ai fait des jeux bizarres ( The Void ), des trucs qui se la jouent pseudo philosophie, voyage intérieur, renouveau… Mais là, Non. Simplement.

Certains passages, je mettais un poids sur la touche Z de mon clavier puis je me faisais des gaufres dans la cuisine en attendant d’atteindre mon but.

Je veux bien t’accorder que tu ne puisses pas adhérer au concept, que ça ne te fasse rien ressentir, mais les musiques sont tout sauf quelconque. Tu peux être totalement réfractaire à l’approche sonore et musicale et c’est légitime.

Tu peux aussi dire que de la dubstep, des sections de cuivre avec des percus, ou de d’n’b c’est quelconque vu que ces sonorités / genres sont sur-exploités et traité à toutes les sauces et qu’il faut un talent certain pour sortir du lot.

Mais le travail sur NaissanceE en terme de musique et de son est vraiment millimétré et les choix sont tout sauf génériques. Ce n’est pas quelque chose que l’on entend d’ordinaire dans un jeu, ce n’est donc pas… quelconque.

Répondre à __MaX__ Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *