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GDC 2014: 5 ans de Level Design in a day

Déjà 5 ans que le bootcamp Level Design s’invite à la GDC de San Francisco. Vous connaissez désormais la chanson, c’est l’heure du récap !

GDC 2014
GDC 2014

Suite à la réception tiède de l’an passé, les organisateurs revoient leur copie et procèdent à plusieurs changements. En premier lieu, le bootcamp perd son adjectif AAA si cher à Coray Seirfert. Ensuite, les conférenciers de 2013 n’ayant pas convaincu ne sont pas reconduits. Dehors donc les Steve Gaynor et autres Neil Alphonso. Les sessions de 30 minutes disparaissent, ce qui laisse au final 5 sessions d’une heure, sans oublier le retour des portfolio reviews (avec quelques guest stars dont Nels Anderson et Nate Purkeypile) durant l’heure du repas. Parmi les indéboulonnables, on retrouve Jim Brown d’Epic Games, Joel Burgess de Bethesda et Matthias Worch de 2K Games. Quant à Seth Marinello, EA Visceral, il participe à son troisième bootcamp. Une nouvelle frimousse rejoint la bande: l’italienne Elisabetta Silli, ex-DICE désormais chez Naughty Dog.

Comme les autres années, Coray présente un bref historique du tutorial puis fait l’introduction de la journée. Le hashtag #ldinaday permet aux étudiants de poster leur portfolio sur Twitter lors des simulations d’entretiens le midi. La journée se terminera, comme d’habitude, au Bin 55 du Mariott Marquis. La plus grande nouveauté cette année est l’annonce de la publication d’un recueil de l’intégralité des conférences, aux éditions Focal Press (déjà responsables du respectable Book of Lenses de Jesse Schell). Viennent enfin les traditionnelles questions à l’assistance, qui sont exactement les mêmes que l’année dernière, que celle d’avant, et 2011, et 2010. Ça commence à se voir…

Seth Marinello
Seth Marinello (à g.) et Coray Seirfert

Seth est le premier à parler cette année. Sa présentation, intitulée « Comment surmonter l’angoisse de la page blanche » avait beaucoup de potentiel. Au final j’ai trouvé sa prestation un peu décousue, bien que jonchée d’astuces et de concepts ayant du sens comme: travailler avec des moodboards pour vendre la map à sa hiérarchie, conceptualiser vers l’extérieur, utiliser les diagrammes à bulles des architectes pour échapper au syndrome du cube, créer son espace de navigation en pensant d’abord aux relations entre les zones de jeu plutôt qu’à leur forme physique, conceptualiser en pensant au contexte macro, etc. Le reste était une redite du processus standard de création de level, qui n’était pas d’un grand intérêt. J’aurais aimé qu’il nous parle davantage de techniques de whiteboxing organique, histoire de sortir du carcan des 0°/90° qu’on se fade depuis des siècles; il aborde le sujet quelques secondes…avant de passer à autre chose.

Vient ensuite Joel Burgess pour nous parler du processus itératif pour des jeux open world. Un des gros avantages de BGS par rapport à nous autres pauvres designers de corridor shooters, c’est qu’il y a beaucoup plus de maps que de designers. C’était le cas dans Fallout 3, Skyrim et leur prochain titre. Logiquement, ils ne peuvent pas se permettre de passer un mois sur un donjon avant de passer au suivant: la toute première map serait bien moins avancée que la dernière. Sans oublier les systèmes de jeu qui arrivent au compte-goutte jusqu’à l’alpha (voire souvent après), la technologie qui tente de se stabiliser au fur et à mesure, et les enseignements du jeu qui viennent sur le tard et dont il faut capitaliser d’une manière ou d’une autre. Leur avantage, c’est qu’ils bénéficient d’un turnover très faible. Combinée à l’absence de montée ou de descente en charge (le nombre d’employés reste le même du début à la fin de la production), il leur faut être malin pour ne pas laisser les gens se tourner les pouces. Leur solution est de faire des itérations à la semaine afin de permettre aux LDs de changer de niveau très régulièrement. Si cela leur donne l’opportunité de travailler sur une quantité de niveaux variés, ça leur permet surtout d’avoir le temps de récolter et analyser les retours des playtests et autres feedbacks sans avoir à les intégrer à chaud. Il y a un minimum de 4 passes (Layout, Gameplay, Ship with Shame, Polish), la 4ème pouvant être répétée à l’envi jusqu’au Gold Master. Le contenu détaillé des différentes passes se trouve dans les diapos plus bas.

C’est la pause déjeuner, j’en profite pour aller voir le petit gars derrière OpenWorldGame pendant que des hordes d’étudiants se pressent devant l’estrade pour présenter leur travaux et espérer décrocher un boulot. L’un d’entre eux a en effet réussi à entrer chez Epic Games il y a deux ans.

Lassemblée
L'assemblée

C’est Jim Brown qui reprend les hostilités à 14 heures. En partant du principe que l’analyse des données est devenue prépondérante à notre époque (Big Data mes fesses, Google analytics et autres e-fumisteries), comment en tirer parti pour équilibrer nos niveaux en multijoueurs ? En partant du principe que les données nous fournissent des informations et non pas des réponses, Jim propose tout un éventail de réflexions sur la façon d’analyser et de conclure sur lesdites données. En prenant pour exemple Trenches, la map-cauchemar de Gears of War 3 (voir The Legacy Of Fail, GDC 2012), Jim est revenu sur tous les choix foireux d’équilibrage qu’ils ont apporté à la map, car ils concluaient très mal sur les données en provenance des heatmaps ! Au final ça n’était ni la géométrie, ni la répartition des pickups, ni même -solution encore plus drastiquement foireuse- l’imposition de loadouts qui était la cause des morts centralisées autour des mêmes endroits, mais bien le fait que les joueurs avaient tendance à préférer le shotgun à toutes les autres armes (45%, à comparer aux maigres 8% du Lancer rifle), et ce, quelque soit la map ! Au final, Jim souligne que si l’importance des données que l’on récolte est grande, il est bien trop facile de conclure hâtivement. L’analyse en est cependant difficile, ne garantit pas non plus le succès, mais reste essentielle pour itérer sereinement sur une fondation solide.

Elisabetta Silli
Elisabetta Silli

J’ai eu bien mal pour Elisabetta Silli lorsqu’elle raconta ses premiers pas chez Naughty Dog, à moins de 3 mois de la soumission du jeu à Sony. En effet chez ND on se torche avec la doc. Rien, mais absolument rien n’est documenté. Il faut donc lever son cul de sa chaise et aller voir les gens, chose classique en temps normal mais beaucoup moins évidente en période de rush où les heures supps sont légion et les développeurs sous tension. En revanche chez ND on sait donner l’opportunité aux designers de faire leurs preuves: Elisabetta n’avait jamais travaillé sur des maps multijoueurs (on lui doit une partie du solo de Battlefield 3, BF:BC2 et Mirror’s Edge), et logiquement ses premiers faits d’armes ont porté sur le multijoueurs: implémentation des modes de jeu, placement des covers et raffinement du layout. Puis, vient l’enfer: on lui demande de retravailler les tutoriaux qui portent sur le combat, dans la campagne solo. Libertés ? Aucune: pas touche au layout, pas touche aux cinématiques: t’as juste le droit de déplacer des covers (et encore) et des patrouilles. Et de temps en temps tu peux prendre le contrôle de Tess pour montrer deux-trois trucs. Au final elle a patché et hacké ce qu’elle a pu, quitte à parfois pervertir certaines règles de détection pour fluidifier l’infiltration: dans une des vidéos montrées en exemple on la voit courir vers un ennemi pour s’accroupir à deux mètres de lui, sans être détectée.

Une des (nombreuses) situations qui ne marchaient pas dans le jeu
Une des (nombreuses) situations qui ne marchaient pas dans le jeu

C’est Matthias Worch qui conclut cette édition 2014. Même si davantage orientée vers du game design, Matthias va reprendre tout le tissu créé par DOOM pour démonter point par point sa présentation de 2012, et notamment l’espace systémique qui lui est cher. Il y était notamment question d’appliquer des enseignements du monde réel, dans des domaines complètement différents (biologie !?). Malheureusement j’ai du quitter plus tôt et il faudra attendre la publication de ses notes pour en savoir plus :]

Pour aller plus loin:

Cette année les matériaux des présentations sont en accès libre sur le GDC Vault ! C’est suffisamment rare pour être souligné.

(Amis développeurs, je vous encourage à nouveau à faire le forcing dans vos studios respectifs pour qu’ils prennent un abonnement studio au Vault, ne serait-ce que pour les autres confs)

Vous pouvez également consulter le groupe Facebook de l’évènement, ainsi que la liste Twitter qui va bien.

John Romero est resté invaincu sur DOOM durant tout le salon
Entretemps, John Romero n'a perdu qu'un seul match sur DOOM de tout le salon. (Et il n'est pas très grand en vrai)

(Je reprends les tutos Unity très bientôt, ne vous inquiétez pas)

7 réponses sur « GDC 2014: 5 ans de Level Design in a day »

J’allais dire l’ivrogne du quartier qu’on croise de temps en temps à la sortie de Monoprix, braillant de vieilles rengaines, et qu’on voit se dégrader un peu plus à chaque fois.
Un de ses amis de l’époque glorieuse (avant sa vie de clochard), avec qui il s’est brouillé depuis, a su garder un semblant de dignité pendant quelques années. Mais lui aussi commence à faire le trottoir, sans même s’en rendre compte, le processus de dégradation ayant insidieusement commencé son oeuvre -pas brutalement, non, mais par petites touches ci et là, un shader en moins, un mobile en plus-. Et un matin on se réveille, perdu dans la masse anonyme d’une société qui ne veut (parait-il) que notre bien.
Le spectacle affreux de l’implacable déchéance humaine.

Hahaha. Très bon Divide.

Pauvre(s) John(s).

Donc l’abonnement au GDC Vault, c’est 500$ par an, et par tête, avec réductions pour de grosses commandes, c’est bien ça ? Et tu dis que les présentations sont de très bonne qualité et que ça vaut le coup rien que pour le Level Design ? Et pareil pour les autres disciplines ?

Lapin: pour uniquement du LD, non. Par contre si tu t’intéresses à l’anim, la 3D ou la prog en plus du design, là ça va faire ton bonheur.

Pareil, un grand merci de la part d’un wannabe. J’ai trouvé particulièrement éclairant l’histoire des bubble diagrams, que je réutiliserai certainement !

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